jeudi 17 novembre 2011

EDF et La Tribune

C'était dans la presse hier, EDF gèle tous ses budgets pub dans le quotidien La Tribune. 
En cause, un article sur l'EPR que n'a pas goûté Henri Proglio.
Déjà, ici et là fleurissent les commentaires et les avis tranchés sur "la communication irresponsable d'EDF", ou sur une posture jugée autoritaire, vindicative et bien d'autres adjectifs charmants, ce qui donnera du travail à la Direction de la Com d'EDF pour arrondir les angles et finir, n'en doutons pas une seconde, par revenir sur la décision du patron. 
N'oublions pas que notre société est très gouvernée par l'affectif.


Ce cas d'école me parait particulièrement intéressant.


Bien sûr, la première réaction est de condamner "Proglio le sanguin" qui, du haut de sa puissance financière et bien calé dans son fauteuil tout en haut de sa tour, aurait droit de vie et de mort sur la presse.
Mais arrêter ici la réflexion est faire preuve de politiquement correct.


Moi, les premières réactions je m'en méfie… Le politiquement correct, je le fuis.
Et ce n'est pas un bon ministre prompt à déposer des gerbes à la station Crimée qui me contredira…


Ca ne doit pas être original, je veux bien tendre le bâton pour me faire battre, mais pas acheter le bâton.
Alors qu'un annonceur, quel qu'il soit, arrête de financer l'organe de presse qui le malmène, ça ne me choque pas outre-mesure.


Bien-sûr, ce jeu est vicieux. Si la presse doit être aux ordres uniques des sautes d'humeur de la puissance de l'argent, où va-t-on ? Et où en est-on d'ailleurs ?…
Vers des articles creux, des opinions fades, des analyses orientées, du rédactionnel qui sera du publi-rédactionnel…
C'est une vraie dérive potentielle. Exagérée… mais logique.


D'où la question simple mais brutale : quelle est la solution ?
Réponse tout autant simple et brutale : j'en sais rien. Et bien inspiré celui qui saura.


Mais je risque un début de réponse malgré tout.
1. La presse, c'est comme la justice, c'est mieux quand c'est 100% indépendant. 
M. de Lapalisse n'aurait pas dit mieux.
Forcément, tant que la presse vivra exclusivement de la pub, et à un moment où elle ne se porte pas très bien, elle ne sera jamais complètement libre.


2. Il y a des titres qui marchent !
Le Canard Enchaîné, Rue89, Slate… s'en sortent -plus ou moins bien- mais de manière autonome (Le Canard ne vit que sur ses abonnements).
C'est donc une réalité.


3. Vive la presse engagée !
Les éditos, les analyses, l'écriture, tout doit participer à nous élever et à nous forger une opinion. Sinon on regarde le 20h00… c'est autre chose.
L'une des conditions de la survie de la presse écrite, c'est d'affirmer ses points de vues. En tout cas c'est le mien.


4. La presse ne doit pas être épargnée -à quel titre ?- par les changements de business-models.   
Je ne suis pas sûr que les titres que j'ai cités plus haut s'affichent dans des immeubles superbes, qu'il aient pléthore de salariés, qu'ils affichent une flotte de véhicules de fonction, qu'ils dépendent de syndicats d'un autre âge, etc.
Le web, le contributif, les compétences multiples, les statuts hybrides, la mobilité, la bonne gestion… voilà sans doute des pistes d'évolution que d'autres secteurs économiques ont déjà intégrées.


5. Il n'y a plus de place pour tout le monde.
C'est peut-être triste mais c'est la vie économique. La presse économique, à laquelle appartient La Tribune, c'est l'A6 un soir de week-end. Soit une vingtaine de titres (de parution et de spécialisation différentes), pour un public qui, depuis, a consommé du web, du gratuit, du smartphone, etc.
A ceux qui pensent que les entreprises de presse ne sont pas des entreprises comme les autres, je les renvoies à la sidérurgie, au textile, aux banques, à la culture, à la santé et à toutes les fameuses exceptions françaises dont beaucoup sont convaincus qu'elles doivent échapper au règles -dures mais saines- du marché. En dépit des perfusions, elles ont dû/devront se réformer ou disparaitre.


Henri Proglio n'a pas manifesté la toute-puissance d'un fleuron mondial de l'énergie, il a mis en évidence la fin d'un certain modèle de la presse.


Au final, ni l'une ni l'autre des parties engagées n'en sort grandie.

mercredi 2 novembre 2011

L'événementiel peut-il (vraiment) se réformer ?

La semaine dernière j'ai passé quasiment deux jours pleins sur le salon Heavent, l'un des deux rendez-vous qui comptent dans le milieu de la communication événementielle.


Deux choses m'ont particulièrement marqué.


La première c'est que la R.S.E. n'intéresse pas grand monde dans l'événementiel.
A commencer par l'organisation qui n'a pas donné une place particulière à l'éco-conception ou même l'information minimale de telle ou telle initiative. On aurait apprécié pourquoi pas un bilan carbone de l'expo, un parcours "déchets", des bonnes pratiques mises en valeurs, un mot sur la gestion des hôtesses d'un salon qui ferme deux jours sur trois à 22 heures, que sais-je encore…
Rien. Sauf peut-être une "Bionade" (une limonade au goût "spécial" fournie par un exposant) offerte à ceux qui avaient le bon badge !


Je pensais me "rattraper" avec les deux conférences qui traitaient de R.S.E. Elles étaient quasi-désertes.
Bien sûr, on pourra toujours argumenter sur tel invité, tel contenu, telle présentation, mais le compte n'y sera pas.


Ce secteur saura-t-il négocier le virage d'un nouveau business-model ? 
J'en doute.
J'en doute encore plus lorsque j'en viens à la deuxième chose qui m'a choqué : le tabac sur les stands.
Faut-il préciser qu'il est interdit ? Il est interdit non pas pour des raisons morales ou même de  sécurité. Il est interdit pour ne pas créer un amiante bis. C'est à dire une maladie professionnelle dont on connait aujourd'hui les tenants et les aboutissants.
Hé bien nombre de serveurs, employés de traiteurs, on été copieusement enfumés.
Ce qui donne une indication précieuse sur, finalement, la disposition intellectuelle de bon nombre d'acteurs de ce secteur.


Par nature l'événement est éphémère, exceptionnel, hors du temps, toute une littérature dont les agences savent, à juste titre, distiller les qualités.
L'urgence est le quotidien, l'exception la règle, le timing l'arbitre intraitable, bref, toute une culture de l'exception qui sert d'excuse pour ignorer le monde qui tourne autour.


Faut-il le préciser, je ne m'érige ni en juge, ni en critique, ni en donneur de leçons, mais en observateur. Un observateur qui constate, une fois de plus, que les changements ne viennent  pas que des normes, des labels, ou des célèbres best-practices.
Mais bien d'un changement culturel. Un changement de lecture d'un métier, d'une pratique, ou d'une consommation. 
Rarement celui-ci se déroule dans le consensus et la bonne humeur. Regardez l'exemple du Vélib' à Paris.
Mais il est le fruit d'un équilibre nouveau entre toutes, -toutes-, les parties prenantes concernées. 
Alors, sans doute annonceurs, agences, prestataires, syndicats et organisations devront contribuer à établir ce nouvel équilibre. Mais il faudra bien un déclencheur. Déclencheur qui est souvent une crise (un cataclysme ?).
Un peu comme ce qui nous attend en 2012…